Résumé de La Richesse des nations – Adam Smith

En préambule, nous vous conseillons ce livre :

Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations : Les grands thèmes – Adam Smith

Ou encore de vous procurer le texte original en commençant par le Livre 1 et Livre 2.

Toutefois, vous trouverez ici un Résumé et des explications sur ce très célèbre livre qu’est : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations

Nous avons abrégé comme il est parfois coutume de le faire ce titre long en l’expression plus courte La Richesse des nations, qui a certes pour défaut de présenter moins d’humilité que le titre original.

Vous trouverez dans ce grand résumé une couverture la plus complète possible des idées proposées par Adam Smith.

Toutefois, le texte original s’étale sur plusieurs centaines de pages (aux alentours de 1500 pages). Il est inéluctable que ce résumé perde un peu de la splendeur originale qui a consacré Adam Smith comme le père de l’économie politique, et le plus grand représentant de ce que l’on a coutume d’appeler a posteriori l’école classique en économie.

Si vous manquez de temps, nous vous conseillons de cliquer directement sur le titre de la partie qui vous intéresse à partir de ce sommaire que nous avons arbitrairement établi.

Le passage le plus célèbre, pour celui qui n’a jamais abordé Adam Smith, est sans doute celui de la « Main invisible« .

Résumé et explications du LIVRE ILa Richesse des nations

  1. La division du travail
  2. L’origine et l’usage de la monnaie, prix des marchandises
  3. Salaire, profit et rente

Résumé et explications du LIVRE IILa Richesse des nations

  1. 3 branches de capitaux
  2. Travail productif et non-productif
  3. 4 manières différentes d’employer un capital

Résumé et explications du LIVRE IIILa Richesse des nations

  1. Progrès de l’opulence et l’économie des villes au service des campagnes

Résumé et explications du LIVRE IVLa Richesse des nations

  1. Le système mercantile
  2. « La main invisible » d’Adam Smith
  3. Le commerce entre pays
  4. La colonisation et le mal qu’elle a causé
  5. Conclusion du système mercantiliste
  6. Les systèmes agricoles

Résumé et explications du LIVRE VLa Richesse des nations

  1. Les dépenses de l’Etat
  2. Les revenus de l’Etat
  3. Les dettes publiques

Résumé et explications du LIVRE I – La Richesse des nations

La division du travail

D’emblée, Adam Smith pose comme un atout essentiel la Division du travail.

Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du travail, et la plus grande partie de l’habileté, de l’adresse et de l’intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont dues, à ce qu’il semble, à la Division du travail.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre I

Adam Smith pour justifier son propos prend l’exemple d’une fabrique d’épingles.

La fabrication est diviée en 18 opérations.

l’important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit opérations distinctes ou environ, lesquelles, dans certaines fabriques, sont remplies par autant de mains différentes, quoique dans d’autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre I

Le travail de 10 ouvriers qui accomplissent deux ou trois actions sur les 18, est beaucoup plus efficace qu’un ouvrier qui fabriquerait l’épingle du début à la fin.

chaque ouvrier, faisant une dixième partie de ce produit, peut être considéré comme faisant dans sa journée quatre mille huit cents épingles. Mais s’ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s’ils n’avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d’eux assurément n’eût pas fait vingt épingles, peut-être pas une seule

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre I

Ce résultat est le fruit de 3 facteurs de productivité :

  1. premièrement, à un accroissement d’habileté dans chaque ouvrier individuellement;
  2. deuxièmement, à l’épargne du temps, qui se perd ordinairement quand on passe d’une espèce d’ouvrage à une autre,
  3. et troisièmement enfin, à l’invention d’un grand nombre de machines qui facilitent et abrègent le travail

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre I

L’origine et l’usage de la monnaie, prix des marchandises

Adam Smith dans sa démonstration commence par établir la nécessité du commerce, d’une « société commerçante ».

La division du travail une fois généralement établie, chaque homme ne produit plus par son travail que de quoi satisfaire une très-petite partie de ses besoins. La plus grande partie ne peut être satisfaite que par l’échange du surplus de ce produit qui excède sa consommation, contre un pareil surplus du travail des autres. Ainsi chaque homme subsiste d’échanges ou devient une espèce de marchand, et la société elle-même est proprement une société commerçante.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre IV

Ainsi naquit le troc, c’est-à-dire l’échange de biens.

Quel est le problème du troc ?

Adam Smith prend l’exemple d’un boucher et d’un boulanger (et d’un brasseur).

Un boucher a plus de viandes qu’il ne lui en faut.

Il échangerait donc bien contre du pain au boulanger.

Mais il se trouve qu’il a déjà suffisamment de pain chez lui.

Il n’a donc plus aucun intérêt à échanger avec le boucher.

C’est un échange raté.

L’homme a donc songé à utiliser une denrée qui serait désirable par tout le monde. Ce fut du bétail, des coquillages, de la morue sèche, du tabac, dans différentes régions du monde.

Mais « des raisons irrésistibles semblent, dans tous les pays, avoir déterminé les hommes à adopter les métaux pour cet usage, par préférence à toute autre denrée ».

Les métaux étaient pratiques en cela qu’ils pouvaient être divisés, et qu’ils n’étaient pas périssables.

Comment en est-on arrivé des pièces ?

La difficulté et l’embarras de peser ces métaux avec exactitude donna lieu à l’institution du coin, dont l’empreinte, couvrant entièrement les deux côtés de la pièce et quelquefois aussi la tranche, est censée certifier, non-seulement le titre, mais encore le poids du métal. Alors ces pièces furent reçues par compte, comme aujourd’hui, sans qu’on prît la peine de les peser.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre IV

C’est l’occasion pour Adam Smith d’établir une distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange.

quelquefois [le mot « valeur »] signifie l’utilité d’un objet particulier, et quelquefois il signifie la faculté que donne la possession de cet objet d’en acheter d’autres marchandises. On peut appeler l’une, Valeur en usage, et l’autre, Valeur en échange

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre IV

Pour comprendre le bien fondé de cette distinction, Adam Smith prend deux exemples très faciles à comprendre :

Il n’y a rien de plus utile que l’eau, mais elle ne peut presque rien acheter; à peine y a-t-il moyen de rien avoir en échange. Un diamant, au contraire, n’a presque aucune valeur quant à l’usage, mais on trouvera fréquemment à l’échanger contre une très-grande quantité d’autres marchandises.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre IV

Qu’est-ce qu’un homme riche ou pauvre ?

Un homme est riche ou pauvre, suivant les moyens qu’il a de se procurer les besoins, les commodités et les agréments de la vie. Mais la division une fois établie dans toutes les branches du travail, il n’y a qu’une partie extrêmement petite de toutes ces choses qu’un homme puisse obtenir directement par son travail; c’est du travail d’autrui qu’il lui faut attendre la plus grande partie de toutes ces jouissances; ainsi il sera riche ou pauvre, selon la quantité de travail qu’il pourra commander ou qu’il sera en état d’acheter.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre V

Combien vaut une marchandise, revient à dire combien de travail il faut pour une marchandise.

Le travail est donc la mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre V

Puisque l’argent peut changer de valeur (quand on découvre une mine d’or, l’or vaut moins qu’avant): le travail demeure le « prix réel« , tandis que l’argent n’est que le « prix nominal« .

Salaire, profit et rente

Adam Smith distingue 3 sources primitives de revenu :

  1. Salaire
  2. Profit
  3. Rente

Salaire, profit et rente sont les trois sources primitives de tout revenu, aussi bien que de toute valeur échangeable. Tout autre revenu dérive, en dernière analyse, de l’une ou de l’autre de ces trois sources.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre V

Examinons d’abord le salaire.

Ce qui constitue la récompense naturelle ou le salaire du travail, c’est le produit du travail.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre VI

Le rapport de force qui oppose les ouvriers et les maîtres penche en faveur des maîtres.

Mais il est un « salaire » de « subsistance » qui est nécessaire, et en-dessous duquel on ne peut pas descendre.

Mais quoique les maîtres aient presque toujours nécessairement l’avantage dans leurs querelles avec leurs ouvriers, cependant il y a un certain taux au-dessous duquel il est impossible de réduire, pour un temps un peu considérable, les salaires ordinaires, même de la plus basse espèce de travail.

Il faut de toute nécessité qu’un homme vive de son travail, et que son salaire suffise au moins à sa subsistance

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre VIII

Le salaire sera néanmoins globalement toujours un peu plus haut que ce salaire de subsistance :

– « La rareté des bras occasionne une concurrence parmi les maîtres« 

– « Quand un propriétaire, un rentier, un capitaliste a un plus grand revenu que celui qu’il juge nécessaire à l’entretien de sa famille »

– « Une subsistance abondante augmente la force physique de l’ouvrier » En clair, mieux on est payé, plus on fait d’efforts, et c’est ce dont se rendent compte les maîtres

Examinons ensuite le profit.

Adam Smith explique comme suit les variations du profit :

Quand les capitaux de beaucoup de riches commerçants sont versés dans un même genre de commerce, leur concurrence mutuelle tend naturellement à en faire baisser les profits, et quand les capitaux se sont pareillement grossis dans tous les différents commerces établis dans la société, la même concurrence doit produire le même effet sur tous.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre IX

Et encore :

Ce profit est affecté, non-seulement de chaque variation qui survient dans le prix des marchandises qui sont l’objet de ce commerce, mais encore de la bonne ou mauvaise fortune des concurrents et des pratiques du commerçant, et de mille autres accidents auxquels les marchandises sont exposées

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre IX

Examinons finalement la rente.

La Rente considérée comme le prix payé pour l’usage de la terre, est naturellement le prix le plus élevé que le fermier est en état de payer, dans les circonstances où se trouve la terre pour le moment

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre I, Chapitre XI

Dans le rapport de force qui oppose le propriétaire foncer et le fermier, c’est le propriétaire qui est plutôt gagnant. La rente est « un prix de monopole ».

Plus l’économie se développe, plus la rente augmente.

Résumé et explications du LIVRE II – La Richesse des nations

3 branches de capitaux

Dans le Chapitre I, du livre II, de la Richesse des nations, Adam Smith fait la distinction entre trois branches de capitaux :

  1. « La première est cette portion réservée pour servir immédiatement à la consommation« 
  2. « La seconde des trois branches dans lesquelles se divise le fonds général d’une société, est le CAPITAL FIXE, dont le caractère distinctif est de rapporter un revenu ou profit sans changer de maître« 
    Il s’agit de :
    1. « Toutes les Machines utiles et instruments d’industrie« 
    2. « Tous les bâtiments destinés à un objet utile, et qui sont des moyens de revenu« 
    3. « Les améliorations des Terres« 
    4. « Les Talents utiles acquis par les habitants ou membres de la société« 
  3. « La troisième et dernière des trois branches dans lesquelles se divise naturellement le fonds général que possède une, société. c’est son CAPITAL CIRCULANT, dont le caractère distinctif est de ne rapporter de revenu qu’en circulant ou changeant de maître.« 
    Il s’agit de :
    1. « L’Argent« 
    2. « Ce fonds de Vivres qui est dans la possession des » différentes professions
    3. « Les matières« 
    4. « Enfin l’Ouvrage fait et parfait, mais qui est encore dans les mains du marchand ou manufacturier« 

Travail productif et non productif

Le travail non-productif :

Le travail de quelques-unes des classes les plus respectables de la société, de même que celui des domestiques, ne produit aucune valeur, il ne se fixe ni ne se réalise sur aucun objet ou chose qui puisse se vendre, qui subsiste après la cessation du travail et qui puisse servir à procurer par la suite une pareille quantité de travail

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre II, Chapitre III

Adam Smith « attaque » en particulier frontalement le souverain :

« Le souverain, par exemple, ainsi que tous les autres magistrats civils et militaires qui servent sous lui, toute l’armée, toute la flotte, sont autant de travailleurs non productifs« 

avant de concéder :

« Leur service, tout honorable, tout utile, tout nécessaire qu’il est, ne produit rien avec quoi on puisse ensuite se procurer une pareille quantité de service« 

Mais de quoi les travailleurs non-productifs vivent-ils donc ?

La rente de la terre et les profits des capitaux sont donc partout les principales sources où les salariés non productifs puisent leur subsistance

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre II, Chapitre III

Quant aux travailleurs productifs, c’est bien sûr la mécanique inverse. Est appelé travail productif en ce sens la « sorte de travail qui ajoute à la valeur de l’objet sur lequel il s’exerce« .

Adam Smith fait l’éloge de l’épargne.

Suivez son raisonnement en trois étapes :

1. « partout où les capitaux l’emportent, c’est l’industrie qui domine; partout où ce sont les revenus, la fainéantise prévaut« 

2. « Les capitaux augmentent par l’économie, ils diminuent par la prodigalité et la mauvaise conduite.« 

3. Donc l’épargne qui permet d’augmenter le capital conduit également à occuper les travailleurs productifs.

Adam Smith ne retient pas ses mots contre les personnes prodigues, c’est-à-dire qui dépensent plus :

Si la prodigalité de quelques-uns n’était pas compensée par la frugalité des autres, tout prodigue, en nourrissant ainsi la paresse avec le pain de l’industrie, tendrait, par sa conduite, à appauvrir son pays

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre II, Chapitre III

Toutefois, une « grande nation » s’en sortira quasiment toujours, car la bonne conduite de ceux qui épargnent pallie la prodigalité des autres.

Mais encore une fois, c’est l’occasion pour Adam Smith d’attaquer les pouvoirs en place :

« Ils sont toujours, et sans exception, les plus grands dissipateurs de la société.« 

4 manières différentes d’employer un capital

Le capital s’exploite de multiples façons. Adam Smith en identifie quatre.

  1. à fournir à la société le produit brut qu’il lui faut pour son usage et sa consommation annuelle; ou bien
  2. à manufacturer et à préparer ce produit brut, pour qu’il puisse immédiatement servir à l’usage et à la consommation de la société; ou,
  3. à transporter, soit le produit brut, soit le produit manufacturé, des endroits où ils abondent à ceux où ils manquent;
  4. enfin, à diviser des portions de l’un et de l’autre de ces produits en parcelles assez petites pour pouvoir s’accommoder aux besoins journaliers des consommateurs.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre II, Chapitre V

Le capital qui vaut le plus est celui qui fournit le produit brut.

C’est donc le développement agricole qu’il faut privilégier.

Résumé et explications du LIVRE III – La Richesse des nations

Progrès de l’opulence et l’économie des villes au service des campagnes

Pour Adam Smith dans le premier chapitre de nouveau livre, « Le grand commerce de toute société civilisée est celui qui s’établit entre les habitants de la ville et ceux de la campagne.« .

Pour rappel, nous sommes à une époque où le taux d’urbanisation est beaucoup plus faible, naturellement, et toujours dans l’optique où l’agriculture doit être privilégiée.

D’après l’analyse d’Adam Smith dans le chapitre IV, la richesse des villes a permis trois voies d’amélioration pour les campagnes :

  1. « en fournissant un marché vaste et rapproché pour le produit brut du pays, elles ont encouragé sa culture et ont engagé à faire de nouvelles améliorations« 
  2. « les richesses que gagnèrent les habitants des villes furent souvent employées à acheter des terres qui se trouvaient à vendre, et dont une grande partie seraient souvent restées incultes« 
  3. « enfin, le commerce et les manufactures introduisirent par degrés un gouvernement régulier et le bon ordre, et avec eux la liberté et la sûreté individuelle, parmi les habitants de la campagne« 

Résumé et explications du LIVRE IV – La Richesse des nations

Le système mercantile

Dans le Chapitre I, du Livre IV, Adam Smith coupe court à une fausse idée :

« cette idée populaire, que l’Argent fait la richesse, ou que la richesse consiste dans l’abondance de l’or et de l’argent« 

Pour le dire de manière plus simple, « en un mot, dans le langage ordinaire, Richesse et Argent sont regardés comme absolument synonymes« .

C’est pourquoi, de nombreux Etats ont cherché à acquérir de l’argent en proportions toujours plus grandes, et même parfois à interdire qu’on en fasse sortir de la nation (Ecosse).

C’est là qu’intervient le recadrage d’Adam Smith :

Il serait vraiment trop ridicule de s’attacher sérieusement à prouver que la richesse ne consiste pas dans l’argent ou dans la quantité des métaux précieux, mais bien dans les choses qu’achète l’argent et dont il emprunte toute sa valeur, par la faculté qu’il a de les acheter.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre I

Ce n’est donc par l’argent qui est important, mais les choses qu’il achète.

Adam Smith en vient à parler du protectionnisme, terme qu’il n’utilise pas, mais qu’il décrit par la longue formule « En gênant, par de forts droits ou par une prohibition absolue, l’importation de ces sortes de marchandises qui peuvent être produites dans le pays« .

Certes, le protectionnisme a ses avantages : créer un monopole sur le territoire national.

Mais ce monopole est-il vraiment avantageux pour la nation ?

C’est la question que pose Adam Smith en ces mots :

Il n’y a pas de doute que ce monopole dans le marché intérieur ne donne souvent un grand encouragement à l’espèce particulière d’industrie qui en jouit, et que souvent il ne tourne vers ce genre d’emploi une portion du travail et des capitaux du pays, plus grande que celle qui y aurait été employée sans cela. – Mais ce qui n’est peut-être pas tout à fait aussi évident, c’est de savoir s’il tend à augmenter l’industrie générale de la société, ou à lui donner la direction la plus avantageuse.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre II

Pour répondre à cette question, Adam Smith passe par quelques explications, qui donnent lieu au passage le plus célèbre de son œuvre. Celui sur la main invisible.

« La main invisible » d’Adam Smith

Il n’emploie pas encore cette expression ici, mais c’est bien cette théorie qu’il résume en une phrase iconique :

Chaque individu met sans cesse tous ses efforts à chercher, pour tout le capital dont il peut disposer, l’emploi le plus avantageux :
il est bien vrai que c’est son propre bénéfice qu’il a en vue, et non celui de la société; mais les soins qu’il se donne pour trouver son avantage personnel le conduisent naturellement, ou plutôt nécessairement, à préférer précisément ce genre d’emploi même qui se trouve être le plus avantageux à la société

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre II

Résumé simplement, cela veut dire que chaque individu travaille en direction de sa propre satisfaction.

Mais la somme de ces travaux individuels, de façon nécessaire, c’est-à-dire qui ne peut pas ne pas être, conduit au bien de la société en général.

Dit d’une différente manière, et c’est alors qu’Adam Smith emploie enfin le terme de main invisible qu’il a utilisée dans d’autres ouvrages écrits par ses soins :

puisque chaque individu tâche, le plus qu’il peut, lº d’employer son capital à faire valoir l’industrie nationale, et – 2º de diriger cette industrie de manière à lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque individu travaille nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la société

(…)

il ne pense qu’à son propre gain; en cela, comme dans beaucoup d’autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions; et ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société, que cette fin n’entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre II

Un autre rappel d’Adam Smith avant de répondre finalement à la question qu’il s’est lui-même posée au début de ce Livre IV.

L’État ne doit pas intervenir sur cette question :

il est évident que chaque individu, dans sa position particulière, est beaucoup mieux à même d’en juger qu’aucun homme d’État ou législateur ne pourra le faire pour lui

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre II

C’est avec ce principe en vue, qu’Adam Smith peut finalement résoudre la question d’origine :

Accorder aux produits de l’industrie nationale, dans un art ou genre de manufacture particulier, le monopole du marché intérieur, c’est en quelque sorte diriger les particuliers dans la route qu’ils ont à tenir pour l’emploi de leurs capitaux, et, en pareil cas, prescrire une règle de conduite est presque toujours inutile ou nuisible. Si le produit de l’industrie nationale peut être mis au marché à aussi bon compte que celui de l’industrie étrangère, le précepte est inutile; s’il ne peut pas y être mis à aussi bon compte, le précepte sera en général nuisible.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre II

Le commerce entre pays

Ainsi, Adam Smith prône les échanges entre pays (il sera repris en cela par Ricardo, considéré comme un des plus grands auteurs de l’école classique, groupe auquel on a fait appartenir Adam Smith bien évidemment)

La quintescence de son argumentation se trouve en une phrase :

Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur marché que nous ne sommes en état de l’établir nous-mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du produit de notre propre industrie, employée dans le genre dans lequel nous avons quelque avantage

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre II

Il donne un exemple assez parlant :

Au moyen de serres chaudes, de couches, de châssis de verre, on peut faire croître en Écosse de fort bons raisins

(…)

Or, trouverait-on bien raisonnable un règlement qui prohiberait l’importation de tous les vins étrangers, uniquement pour encourager à faire du vin de Bordeaux et du vin de Bourgogne en Écosse?

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre II

En bref, il faut que chaque pays puisse échanger le résultat du travail qu’il sait faire le mieux et qui est donc bien souvent le plus adapté à son pays.

La colonisation et le mal qu’elle a causé

Les motivations pour la colonisation étaient d’emblée mauvaises, pour Adam Smith qui écrit dans le Chapitre VII, Livre IV :

« L’extravagance et l’injustice sont, à ce qu’il semble, les principes qui ont conçu et dirigé le premier projet de l’établissement de ces colonies« 

Même si Adam Smith concède « d’autres motifs plus raisonnables et plus louables », ces nouveaux motifs ne font pas plus « honneur à la politique de l’Europe« .

Les colonies ont retiré quelques bénéfices pourtant de la colonisation : « Les colonies doivent à la politique de l’Europe l’éducation de leurs actifs et entreprenants fondateurs, et les grandes vues qui les ont dirigés« .

Et l’Europe aussi :

  1. « augmentation de jouissances« 
  2. « accroissement d’industrie« 

Sauf que les pays qui n’ont jamais envoyé personne dans les colonies en ont tout autant récolté des fruits :

La colonisation a permis d' »encourager l’industrie de pays qui peut-être n’ont jamais envoyé en Amérique un seul article de leurs produits, tels que la Hongrie et la Pologne« 

De plus, ces bénéfices de la colonisation sont très mal partagés : les compagnies exclusives, telles que la célèbre Compagnie des Indes orientales, ont tiré profit du monopole du commerce sans en faire bénéficier la plus large population.

Adam Smith se garde bien de critiquer les bonnes intentions de la Compagnie des Indes : « Ils ont agi selon la pente naturelle de leur situation particulière« .

Toutefois, sa sentence est sans appel : « De telles Compagnies exclusives sont donc un mal publie, sous tous les rapports« .

Conclusion du système mercantiliste

Le système mercantiliste est condamnable pour cette principale raison :

« on voit l’intérêt du consommateur national sacrifié à celui du producteur« 

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre VIII

Car c’est l’intérêt du consommateur qui doit être privilégié :

La consommation est l’unique but, l’unique terme de toute production, et on ne devrait jamais s’occuper de l’intérêt du producteur, qu’autant seulement qu’il le faut pour favoriser l’intérêt du consommateur.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre VIII

Les systèmes agricoles

Qu’est-ce qu’un système agricole ? C’est un système qui « représente le produit de la terre comme la seule source du revenu et de la richesse d’un pays« , définit Adam Smith dans son Chapitre IX, Livre IV.

Adam Smith disqualifie immédiatement ce système :

[Il] n’a jamais, autant que je sache, été adopté par aucune nation, et n’existe à présent que dans les spéculations d’un petit nombre d’hommes en France, d’un grand savoir et d’un talent distingué. – Ce n’est sûrement pas la peine de discuter fort au long les erreurs d’une théorie qui n’a jamais fait et qui vraisemblablement ne fera jamais de mal en aucun lieu du monde.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre IV, Chapitre IX

L’erreur principale du système agricole est d’avoir oublié tout un pan de l’économie :

« il représente la classe des artisans, manufacturiers et marchands, comme totalement stérile et non productive » écrit encore Adam Smith.

Résumé et explications du LIVRE V – La Richesse des nations

Les dépenses de l’Etat

L’Etat, ou le Souverain, a trois fonctions principales, décrites dans le Chapitre I de ce Livre V :

  1. « Le premier des devoirs du Souverain, celui de protéger la société contre la violence et l’invasion d’autres sociétés indépendantes« 
  2. « Le second devoir du souverain, celui de protéger, autant qu’il est possible, chacun des membres de la société contre l’injustice ou I’oppression de tout autre membre de cette société, c’est-à-dire le devoir d’établir une administration de la justice« 
  3. « Le troisième et dernier des devoirs du souverain ou de la république est celui d’élever et d’entretenir ces ouvrages et ces établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages« 

Chacune de ces fonctions exige des dépenses de la part de l’Etat.

(Ce sont donc trois sources de dépenses, +1 que nous rapportons un peu plus loin)

Elles sont variables et évolutives : par exemple et respectivement pour chacune de ces trois fonctions :

  1. selon qu’on soit en temps de paix ou de guerre,
  2. selon la période sociale,
  3. ou bien encore selon le degré d’avancement de la société

Une part importante de la 3e fonction, à savoir les ouvrages et institutions publiques, concerne l’éducation.

Adam Smith glisse alors une petite critique sociologique par ces mots : « quoique dans aucune société civilisée les gens du peuple ne puissent jamais être aussi bien élevés que les gens nés dans l’aisance« .

Pour Adam Smith, la richesse favorise la bonne éducation et la bonne instruction.

Adam Smith n’est toujours pas dans le politiquement correct lorsqu’il parle des métiers « les plus bas » : « la plupart même de ceux qui sont destinés aux métiers les plus bas ont le temps de prendre ces connaissances avant de commencer à se mettre à leurs travaux« .

Un système de récompense par le mérite et d’épreuve doit permettre d’acquérir cette éducation nécessaire pour tout le monde :

  1. « en donnant de petits prix ou quelques petites marques de distinction aux enfants du peuple qui y excelleraient« 
  2. « peut imposer à presque toute la masse du peuple l’obligation d’acquérir ces parties de l’éducation les plus essentielles, en obligeant chaque homme à subir un examen ou une épreuve sur ces articles avant de pouvoir obtenir la maîtrise dans une corporation« 

Adam Smith décrit ainsi exactement par ces deux facteurs favorisant l’éducation le système éducatif qui a été adopté dans la majorité des pays du monde.

Adam Smith avance que l’Etat a tout intérêt à l’éducation des citoyens. Il en profite pour critiquer le désordre qui pourrait subvenir au sein des nations :

Plus elles seront éclairées, et moins elles seront sujettes à se laisser égarer par la superstition et l’enthousiasme, qui sont chez les nations ignorantes les sources ordinaires des plus affreux désordres. D’ailleurs, un peuple instruit et intelligent est toujours plus décent dans sa conduite et mieux disposé à l’ordre, qu’un peuple ignorant et stupide.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre V, Chapitre I

Finalement, il existe une quatrième source de dépense. Il s’agit de celle nécessaire du « soutien de sa dignité« .

Cette dernière dépense est à la mesure de la stature du souverain.

Naturellement nous nous attendons à trouver plus de splendeur dans la cour d’un roi que dans la maison d’un doge ou d’un bourgmestre.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre V, Chapitre I

Les revenus de l’Etat

Deux sources de revenus sont identifiées par Adam Smith dans le Chapitre II du Livre V :

  1. « de quelques fonds qui appartiennent en particulier au souverain ou à la république, et qui soient indépendants du revenu du peuple« 
  2. « soit, en second lieu, du revenu du peuple« 

La seconde est sans doute la plus importante.

Cette seconde source de revenus peut être divisée en 4 sortes d’impôts :

  1. les impôts qui portent sur les rentes
  2. les impôts qui portent sur les profits
  3. les impôts qui portent sur les salaires
  4. les impôts qui « portent indistinctement sur toutes ces trois différentes sources de revenu particulier« 

Mais attention à cette formulation raccourcie : en effet, Adam Smith affirme que certains de « ces impôts ne sont pas supportés, en définitive, par le fonds ou la source du revenu sur lequel on avait eu l’intention de les faire porter« 

Les impôts doivent obéir à 4 maximes, comme le précise Adam Smith toujours dans ce Chapitre II du Livre V :

  1. « Les sujets d’un État doivent contribuer au soutien du gouvernement, chacun, le plus possible, en proportion de ses facultés, c’est-à-dire en proportion du revenu dont il jouit sous la protection de l’État » : c’est l’égalité ou l’inégalité devant l’impôt qui est en jeu
  2. « La taxe ou portion d’impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certaine, et non arbitraire« 
  3. « Tout impôt doit être perçu à l’époque et selon le mode que l’on peut présumer les plus commodes pour le contribuable« 
  4. « Tout impôt doit être conçu de manière qu’il fasse sortir des mains du peuple le moins d’argent possible au delà de ce qui entre dans le Trésor de l’État, et en même temps qu’il tienne le moins longtemps possible cet argent hors des mains du peuple avant d’entrer dans ce Trésor.« 

Pour Adam Smith, les impôts les plus efficaces et justes sont ceux sur la rente foncière et sur le loyer des maisons.

Ils sont moins arbitraires (cf. maxime n°2) parce qu’il est facile de constater quel terrain occupe un individu, plutôt que de connaître son capital.

De plus, il n’y a pas de risque de fuite « du terrain vers l’étranger », ce qui serait absurde, mais il y a bien un risque de fuite des capitaux à l’étranger. « la terre est une chose qui ne peut s’emporter, tandis que le capital peut s’emporter très facilement« .

Un autre impôt acceptable est celui sur les biens de consommation de luxe, même s’il est difficile à mettre en place.

Le dernier impôt qui serait judicieux pour Adam Smith est celui qui consiste en des péages pour l’utilisation des ouvrages publics (Cf. 3e devoir du souverain).

En revanche, l’impôt sur les salaires doit être banni, car les salaires sont des salaires de subsistance, et cela ferait augmenter les prix.

Il ne doit pas y avoir d’impôt en fonction de la fortune, car celui-ci serait source d’inégalités (maxime n°1) et arbitraire (maxime n°2).

Les dettes publiques

Le problème survient en temps de guerre, lorsque l’Etat n’a pas assez thésaurisé : « un revenu trois ou quatre fois plus fort que le revenu du temps de paix devient indispensablement nécessaire« , prévient Adam Smith dans le Chapitre III du Livre V.

Dans un Etat bien réglé, dans lequel la possession des propriétés est garantie, et qui généralement inspire confiance, les citoyens seront enclins à prêter de l’argent à l’Etat. C’est le résultat si l’on tourne en phrase positive l’assertion suivante d’Adam Smith : « En un mot, le commerce et les manufactures seront rarement florissants dans un État où la justice du gouvernement n’inspirera pas un certain degré de confiance« .

Le marchand ou capitaliste se fait de l’argent en prêtant au gouvernement, et au lieu de diminuer les capitaux de son commerce, c’est pour lui une occasion de les augmenter. Ainsi, en général, il regarde comme une grâce du gouvernement d’être admis pour une portion dans la première souscription ouverte pour un nouvel emprunt : de là la bonne volonté ou le désir que les sujets d’un État commerçant ont de lui prêter.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre V, Chapitre III

C’est ce qui dit aux Etats qu’ils peuvent se dispenser d’épargner. A l’inverse, les Etats qui n’inspirent pas confiance, doivent absolument épargner.

Adam Smith constate avec regret que les pays d’Europe de son époque (ce qui est peut-être encore plus vrai à notre époque) sont écrasés de dettes.

Le progrès des dettes énormes qui écrasent à présent toutes les grandes nations de l’Europe, et qui probablement les ruineront toutes à la longue, a eu un cours assez uniforme.

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre V, Chapitre III

La seule solution qui se présente alors aux Etats est de dévaluer l’argent par rapport à l’or. Ce qui doit être évité. Il faut que l’Etat augmente ses impôts, diminue ses dépenses.

Et Adam Smith de conseiller d’abandonner des colonies, comme pour le cas de la Grande-Bretagne :

les effets du monopole du commerce des colonies sont une véritable perte au lieu d’être un profit pour le corps de la nation

Adam Smith – La Richesse des nations, Livre V, Chapitre III

Conclusion

En conclusion, que dire du père de l’économie politique, ou de la politique économique, Adam Smith ?

Le classeriez-vous à droite ou à gauche ?

Si vous avez lu ne serait-ce que quelques lignes de ce résumé, et de nos explications, vous n’aurez pas de mal à le classer à droite, voire à l’extrême droite en matière de questions économiques.

Tout de même, Adam Smith ne renie pas un certain rôle à l’Etat, notamment dans le domaine de l’éducation. Il ne renie pas non plus le rôle de l’impôt, nécessaire selon lui mais limité à des fonctions strictes. Tout est affaire de nuances.

Une réflexion sur « Résumé de La Richesse des nations – Adam Smith »

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