Intégration et régulation sociale : la question de la culture

Ce cours sur l’intégration et la régulation sociale, axé sur la question de la culture, explore les théories et les concepts clés élaborés par des sociologues renommés tels qu’Émile Durkheim et d’autres penseurs contemporains. En examinant la notion de conscience collective chez Durkheim, nous comprenons comment les croyances et comportements partagés au sein d’une société façonnent son fonctionnement et sa cohésion sociale. Cette analyse se poursuit avec une étude approfondie du phénomène du suicide en tant que révélateur de l’intégration sociale selon Durkheim, mettant en lumière l’impact des changements sociaux sur les taux de suicide. En parallèle, la perspective culturaliste émerge, mettant l’accent sur la transmission des comportements culturels à travers les générations et l’étude des microsociétés pour comprendre les cultures nationales. Cette approche, bien que complémentaire, est critiquée par des sociologues contemporains comme Boudon, qui remettent en question l’idée d’une culture sociale originale propre à chaque société. Enfin, le cours explore les défis pratiques du management interculturel, soulignant l’importance de comprendre et de naviguer les différences culturelles dans un contexte professionnel mondialisé. En somme, ce cours offre un aperçu éclairant des dynamiques complexes entre culture, intégration sociale et régulation dans les sociétés contemporaines.

1. La conscience collective selon Émile Durkheim

La conscience collective, selon Émile Durkheim, est définie comme un système qui a une existence autonome et qui s’impose à l’individu. Selon sa perspective, les individus sont soumis aux mœurs et aux traditions de la société. La conscience collective est caractérisée par les croyances et les comportements partagés au sein d’une collectivité, qui prévalent sur la conscience individuelle. Durkheim envisage le groupe comme une entité agissant comme un individu global. Il insiste sur le caractère permanent de la conscience collective, déclarant que « les individus passent, la conscience collective demeure ». Dans les sociétés traditionnelles, où la division du travail est faible voire inexistante, les individus ont tendance à se ressembler dans leurs rôles sociaux, avec des échanges marchands limités et une autarcie économique. Cette forme de société engendre une solidarité mécanique, où les individus sont liés comme des briques dans un mur, et où le droit répressif est utilisé pour sanctionner les transgressions et maintenir la norme commune. En revanche, dans les sociétés industrielles, avec une forte division du travail et une spécialisation des fonctions, la solidarité est organique, les individus dépendant les uns des autres pour leur subsistance. Cette solidarité repose sur des échanges permanents et nécessaires. Le droit devient alors coopératif, visant à maintenir la cohésion sociale à travers des engagements réciproques garantis par l’État. Durkheim, loin de condamner le changement social, le voit comme progressiste, mais craint les effets de la division du travail, notamment une augmentation de l’anomie et une diminution de la solidarité.

Le phénomène du suicide comme révélateur

Dans son ouvrage « Le Suicide » publié en 1897, Émile Durkheim considère le suicide comme un phénomène social révélateur de l’intégration sociale. Il émet deux hypothèses principales : premièrement, une augmentation du suicide est associée à une progression de l’anomie ; deuxièmement, les individus les plus exposés au suicide sont ceux qui sont les plus désocialisés du système social. Durant l’époque de Durkheim, l’industrialisation et l’urbanisation ont été accompagnées d’une augmentation de l’anomie, ce qui a conduit à une hausse du taux de suicide. Certaines constatations ont été faites, notamment que le mariage offre une protection contre le suicide, avec un taux plus bas chez les femmes. Cette thèse de Durkheim a été actualisée par des sociologues comme Establet et Baudelot.

 Déficiences du processus de socialisation        Excès                                       Défaut
Régulation sociale       Fatalisme          Anomie
Intégration sociale       Altruisme          Égoïsme

2. Le système social dans la tradition culturaliste

L’anthropologie culturelle des années 1920-1940

La tradition culturaliste, inspirée de l’anthropologie américaine des années 1920-1940, met l’accent sur la transmission des comportements et des habitudes culturelles de génération en génération. En partageant certains points communs avec Durkheim, notamment la vision du système social comme une entité autonome, les culturalistes mettent en avant l’importance de l’adhésion des individus au système pour maintenir la cohésion sociale. Cependant, Durkheim ne parle pas explicitement de culture collective. La culture est définie comme l’ensemble des normes et des valeurs partagées au sein d’une collectivité, permettant de distinguer les différentes cultures. Les culturalistes analysent le processus de socialisation comme les conditions dans lesquelles se tissent les liens entre les individus et la société, avec chaque collectivité capable de développer ses propres règles. Des anthropologues comme Mead et Benedict ont mis en évidence la diversité des cultures à travers leurs travaux.

Les Community studies aux États-Unis

Les Community studies visent à appréhender les microsociétés dans les pays développés comme des phénomènes sociaux totaux, permettant ainsi d’étudier les cultures nationales à travers ces microsociétés. Par exemple, l’étude de R. S. et H. Lynd sur Middletown, une petite localité dans l’Indiana, a permis de comprendre les valeurs américaines des années 1920, ainsi que les changements survenus après la crise des années 1930, révélant une culture traversée par des conflits mais résiliente.

3. Intégration et culture dans la sociologie d’aujourd’hui

La critique du culturalisme (Boudon, 1982)

Boudon, sociologue plutôt influencé par Max Weber, critique la perspective totalisante de Durkheim et des culturalistes. Il s’oppose à l’idée selon laquelle chaque société produirait une culture sociale originale, soulignant trois arguments principaux : tout d’abord, il est difficile de postuler que tous les individus partagent des valeurs communes dans une société complexe, avec des processus d’apprentissage complexes et des sous-cultures émergentes. Ensuite, la socialisation n’est pas un processus de conditionnement, mais plutôt un processus actif où les individus contestent, négocient et font évoluer les normes sociales. Enfin, il est impossible de considérer les systèmes culturels comme cohérents, préférant étudier les processus qui forgent leur singularité.

La persistance de la comparaison des cultures

Les études comparatives sur les systèmes de valeurs sont abondantes, permettant d’analyser l’évolution des valeurs d’un pays à l’autre ainsi que dans différentes parties du monde. Des organismes internationaux mènent également des études globales sur les cultures.

4. Les pièges du « culturalisme ordinaire » : Le cas du management interculturel selon G. Hofstede

L’idée fondamentale du management interculturel repose sur la reconnaissance des différences interculturelles. Chaque pays possède une programmation mentale spécifique, ce qui influence la façon dont les employés vivent et perçoivent leur environnement professionnel.

  • Distances hiérarchiques dans l’entreprise : Ces distances varient d’un pays à l’autre. Par exemple, en France, la hiérarchie est généralement plus marquée qu’au Royaume-Uni ou aux États-Unis.
  • Différence entre les rôles masculins et féminins : Les attentes concernant les rôles masculins et féminins diffèrent également selon les cultures. Par exemple, au Japon, les différences entre ces rôles sont plus prononcées qu’en Suède.
  • Degré d’autonomie reconnu aux individus : La perception de l’autonomie individuelle varie également selon les cultures. En Europe, par exemple, les individus tendent à jouir d’un plus grand degré d’autonomie que dans certaines régions d’Asie.
  • Aptitude au traitement des conflits : Les cultures ont des approches différentes quant au traitement des conflits. Les pays scandinaves, par exemple, ont généralement une aptitude plus développée à gérer les conflits que les pays latins.

Ces différences culturelles sont essentielles à prendre en compte dans un contexte de management interculturel, car elles peuvent influencer les pratiques managériales, les communications et les relations interpersonnelles au sein des entreprises multiculturelles.

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