Comment l’hygiène a permis aux villes de lutter contre les pandémies

Alors que le monde cherche à se protéger contre la pandémie de la covid-19, un retour sur l’histoire de la politique nécessaire d’assainissement des villes offre une mise en perspective essentielle.

La ville, en particulier au XIXe siècle, est le lieu par excellence de la saleté, foyer des épidémies. La ville est extrêmement sale. Il n’y a que peu d’égoûts.

Les Romains avaient inventé les égoûts, inspirés des Etrusques, comme la Cloaca maxima à Rome. Les Romains avaient une bonne maîtrise de l’eau, grâce aux aqueducs, et l’eau sale était évacuée par ce système d’égoûts. De même dans certaines des grandes villes françaises construites par les Romains, comme Paris, Lyon, Nîmes.

Les égoûts sont pourtant abandonnés, bouchés, après les invasions barbares. Il n’y a plus d’égoûts dans les villes françaises à partir du Moyen-Âge. Au Moyen-Âge sont donc utilisés des égoûts à ciel ouvert. Les rues médiévales, construites selon deux pentes avec au centre une rigole, en forme de V, permettait de faire s’écouler l’eau. L’expression « Tenir le haut du pavé » provient du fait que le peuple devait marcher en bas, dans la boue, tandis que les nobles étaient en haut. La pluie et les orages permettaient d’évacuer ces déchets, ou certains employés municipaux étaient chargés de récolter ces déchets, environ une fois par semaine. Les déchets étaient jetés soit par la fenêtre, ou déposés en bas de la rue.

Ces eaux stagnantes sont des foyers de propagation des maladies. Quelques progrès sont faits dans les villes médiévales.

A partir des années 1850, en particulier les médecins hygiénistes, commencent à alerter les municipalités. Il faut que l’Etat intervienne pour assainir les villes et réduire ces épidémies. Le politique a aussi un intérêt à assainir ces villes, car elles sont le reflet de la modernité, du pouvoir.

Des changements dans les villes

Cet intérêt de l’Etat à l’égard des villes est lent à se mettre en place. Dans les villes, l’eau reste assez rare.

Dans La Peau de chagrin, de Balzac, le héros monte tout seul l’eau dont il a besoin : en moyenne un saut par jour. Dans les villages, il faut aller chercher l’eau loin.

L’État commence à s’y intéresser à cause d’une épidémie : le choléra. Le choléra fait son apparition en France en 1832, et touche les grandes villes. Cette maladie est causée par les bactéries : au bout de trois jours d’incubation, diarrhées et vomissements, déshydratation, le corps prend une couleur jaune, et la mort survient au bout d’un ou deux jours. Le choléra est transmis par la nourriture, mais aussi par les eaux sales. Pour éviter d’être atteint, il faut se laver très fréquemment les mains, ce qui n’est pas le cas à cette époque. 18 000 morts à Paris en l’espace de quelques mois.

Dès cette épidémie et en cinq ans, la municipalité de la ville de Paris développe les égoûts : en réhabilitant les vieux égoûts romains, et en en créant de nouveau. Des bains publics sont ouverts. En 1835, il est décidé que chaque quartier aura son bain public gratuit. Malgré cette ouverture, les mentalités prennent du temps à changer.

Un Parisien fait alors en moyenne trois à cinq bains par an.

Les élites se lavent beaucoup plus, comme la noblesse et la bourgeoisie, développant un système de bain à domicile. Le bain à domicile comprend un tonneau, contenant de l’eau chauffée. L’eau chaude est amenée, montée, et pendant quelques heures les élites s’y baignent.

Dans les années 1850, la population des villes explose. Lille ou Saint Etienne doublent leur population entre 1850 et 1870. Il faut gérer cet afflux de population, qui crée des problèmes sociaux. Peu de logements sont disponibles, donc les nouveaux arrivants s’installent dans des bidonvilles en périphérie. Or ces mauvaises conditions de vie inquiète l’Etat, car elles sont propices aux révolutions.

A cette époque, les rues sont particulièrement étroites. Pour empêcher les armées de passer sont mises en place des barricades. L’Etat décide alors de créer de grandes rues. Le préfet Haussmann organise de grands travaux sous le Second Empire. La municipalité de Paris emprunte aux banques. Napoléon III admire l’Angleterre, et en particulier Londres. Trois logiques se dégagent :

  1. Chasser les classes dangereuses, les mettre dans les périphéries de la ville.
  2. Mesures hygiéniques, pour restreindre les maladies.
  3. Logique économique : construire des immeubles permet de créer des emplois.

Paris est essentiellement médiéval, le premier trottoir date de 1782. Haussmann rase des quartiers entiers, dans le centre ville, et créer des avenues. L’avenue est large pour que l’armée puisse passer, et est bordée d’immeubles à cinq étages avec des combles : au premier étage les appartements bourgeois, et plus l’étage est haut, plus il est pauvre.

Haussmann installe également des gares, signe de modernité : gare du Nord au début des années 1860. Il insiste aussi pour ouvrir des espaces verts : le parc des Buttes-Chaumont par exemple. Haussmann développe le réseau d’égoûts. Les rues sont construites pavées, avec des caniveaux. Enfin, l’eau courante est installée dans la majorité des logements. Il n’est pas question de salle de bain, mais de pièce avec un lavabo, les toilettes restant communes sur le pallier. La ville est donc aérée et plus moderne grâce à l’eau et au gaz.

Les limites à ces travaux :

  1. Une première limite concerne le paludisme. L’épidémie se répand lors de ces travaux.
  2. Une seconde limite réside dans le fait que tous les quartiers ne sont pas réaménagés, comme le quartier du Marais.

A Lyon, Jean-Claude VAISSE lance également de grands travaux. Il développe un système d’égoûts pour nettoyer la cité et perce de grandes avenues, comme l’Avenue Impériale qui devient la Rue de la République, ou encore le parc de la Tête d’Or. Le système de traitement d’eau est également inventé à Lyon.

Amélioration sanitaire de la ville

La quantité d’eau distribuée par tête est de 7,5 litres par jour en 1840, contre 114 litres en 1873 (chiffres incluant l’usage industriel de l’eau).

Dans les appartements sont construits des salles de bain. La salle de bain bourgeoise est proche de la chambre à coucher, pour garder l’intimité du couple. Les domestiques n’ont pas le droit d’y entrer. La salle de bain est aussi un moyen de se distinguer du peuple et de montrer sa supériorité sociale.

Concernant la campagne, l’État encourage les communes en leur accordant un crédit pour construire des bains publics dans les villages, des fontaines, des lavoirs. Ce sont toujours des bains publics.
Dans les immeubles hausmanniens, l’eau entre tardivement au cinquième étage, celui des ouvriers, vers 1865-1870.

Un changement s’opère dans la mentalité des ouvriers : il faut être propre après le travail. En plus de changer de chemise, il faut se laver après le travail.

A partir de 1870, on repère qu’il existe des micro-organismes, des microbes, qu’on ne peut pas voir. Alors qu’il existait avant une propreté seulement visible (enlever la crasse, les odeurs), il existe alors une propreté invisible

De nouvelles normes de l’hygiène sont créées. Les meubles qui étaient en contact avec l’eau étaient en bois : désormais de nouveaux matériaux sont utilisés, comme le carrelage, la faïence. Les produits d’hygiène font leur apparition.

Les dents : La brosse à dent est découverte sous Louis XV, grâce à un voyageur. La brosse à dent, utilisée ensuite par les élites, comme Napoléon, ne se démocratise qu’à la toute fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

Les cheveux : des cotons sont imbibés avec de l’ether, de l’alcool. Soit les cheveux sont passés au fer, ou avec du savon. Ces usages sont mauvais pour les cheveux. Les hommes utilisaient l’huile de macassar pour tenir les cheveux en arrière. Un nouveau produit, issu d’Anglettere, est utilisé plus tard : le shampooing. Le shampooing moderne n’apparaît qu’en 1934.

En 1884, Eugène Poubelle ordonne de déposer les déchets, qui auparavant été jetés au bas des immeubles, dans des récipients. Ces récipients sont amenés en périphérie des ville, dans des décharges.

A partir des années 1880, l’Etat exerce un plus grand contrôle grâce à l’école. Les gestes élémentaires d’hygiène sont inculqués.

En 1930, seulement 23% des communes rurales françaises ont un réseau de distribution d’eau potable à domicile. Les campagnes sont donc en retard.

Malgré tous ces changements perdure une vision ancienne de la propreté. Par exemple l’idée de l’aération des intérieurs ne s’impose qu’au XXe siècle. En milieu rural, les animaux et les hommes vivent dans les mêmes locaux pour deux avantages : la chaleur des animaux, et la proximité des animaux qui serait calmante et soignante.

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