La Francophonie : histoire, enjeux et statistiques

Définition de la francophonie

La première utilisation du terme « francophonie » remonte à 1880, dans un ouvrage du géographe Onésime Reclus : France, Algérie et colonie. Il n’y donne pas encore de définition précise, mais constate l’existence de peuples hors de l’hexagone qui parlent français en tant que langue maternelle ou pour communiquer en société.

Le premier sens du mot « francophonie » avec une minuscule est orienté linguistique, c’est-à-dire désigne proprement le langage et l’utilisation de la langue française. Peu à peu, la notion de francophonie donnera lieu à un concept plus politique, celui de la « Francophonie » avec une majuscule, qui acquiert une connotation géopolitique : il s’agit plutôt de considérer les organisations et les pouvoirs issus de la collaboration de pays ayant en commun le français.

Xavier Deniau, homme politique mort en 2011 et dit en passant témoin du fameux « Vive le Québec libre ! » lancé par de Gaulle à Montréal, relevait les quatre portées de l’expression « francophonie » :

  1. La langue française comme point commun, comme l’emploie Onésine Reclus originellement.
  2. La dimension géographique, donc propre à l’espace et la situation des pays sur le globe.
  3. La communauté de valeurs, notamment parmi les apprenants du français en Asie, qui apprécient ce rapprochement avec l’esprit français.
  4. La portée institutionnelle enfin, qui met en œuvre la coopération au sein de la francophonie.

Statistiques sur la francophonie de nos jours

  • Locuteurs : Il est évalué qu’un peu moins de 300 millions de personnes dans le monde parlent français dans le monde.
  • Pour donner un ordre d’idée, environ 235 millions de personnes l’utiliseraient comme langue quotidienne, et 65 millions comme langue étrangère.
  • Évolution : La tendance est à la hausse, notamment grâce à l’Afrique qui représente 59% des francophones dans le monde, et dont la population s’accroît constamment.
  • Institutions : Le français est langue officielle pour 32 États. L’organisation internationale de la francophonie (OIF) réunit 88 États, dont 54 sont membres (les autres sont surtout observateurs).
  • Poids économique et démographique : ces 88 États membres de l’OIF (donc observateurs comptés) ont un poids démographie et économique proportionnellement équivalent, s’établissant à un peu plus de 15% du revenu mondial et de la population mondiale.
  • Jeunesse : 60% des personnes concernées par la francophonie sont âgées de moins de 30 ans.

Géographie de la francophonie

Répartition géographique de la francophonie (OIF)

Il est possible d’identifier plusieurs degrés d’importance du français au sein d’un pays. C’est le travail effectué par ce tableau, issu du rapport de l’OIF daté de 2019, qui propose plusieurs ensembles de pays selon la valeur accordée au français dans ces pays.

Ainsi, le groupe Canada-Québec, Wallonie-Bruxelles (Belgique), France, Monaco, et un peu plus loin Suisse romande, celui qui promeut le français comme langue pour la vie se détache du reste du globe avec toujours plus de 80% de leur population francophone.

Histoire de la francophonie

Le projet d’une coopération des pays francophones (années 1960)

La graine posée par Onésime Reclus en 1880 ne germe qu’en 1962, à la publication de la revue Esprit, surtout grâce à l’article de Léopold Sédar Senghor dont nous vous avons tracé les grandes lignes dans cette étude sur la francophonie.

Outre la richesse de sa diversité culturelle, les qualités de précision de la langue française, la forte pression exercée par l’anglais au niveau mondial, à la fois politiquement et commercialement, provoque par réaction la défense d’une communauté francophone internationale.

Léopold Sédar Sengor dessine le projet d’un équivalent du commonwealth pour la francophonie lors d’un sommet de la Conférence de l’Union africaine et malgache, et dit vouloir « proposer au général de Gaulle une conférence des chefs d’Etat ». C’est Hamani Diori qui sera chargé par cette même conférence quatre ans plus tard (1966) de présenter ce projet au général de Gaulle.

Ainsi jusqu’à la fin des années 1960, les pères fondateurs de la francophonie tentent de débloquer les verrous. Les résistances sont grandes, que ce soit par l’accueil froid du président de Gaulle, ou à cause de la situation délicate du Québec au Canada.

Le tournant de 1970 institutionnalisant la francophonie

Au final, une Conférence des États francophones est organisée en 1969 et aboutit à la création le 20 mars 1970 d’un organisme liant 21 pays : l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), dont le but essentiel est la « coopération multilatérale dans les domaines ressortissant à l’éducation, à la culture, aux sciences et aux techniques, et par là au rapprochement des peuples » (charte de l’ACCT, article 1). C’est bien cette agence qui deviendra l’actuelle Organisation internationale de la Francophonie.

La participation du Québec reste toutefois un problème politique, dont une solution n’intervient qu’en 1986 lors du sommet de Versailles : désormais, la province de Québec a le statut de « gouvernement membre », le Canada ayant quant à lui le statut d’État membre.

Le québécois Jean-Marc Léger, qui joue un rôle central dans la promotion d’une francophonie multilatérale et dans le succès de l’ACCT, bien qu’encore très éloignée des ambitions des pères fondateurs, est chargé de développer cette coopération. En 1986 le premier Sommet réunit 42 pays à Versailles. Il y est notamment question de solidarité économique, de forum entre le Nord et le Sud, et des instruments pour renforcer la coopération entre pays ayant pour langue commune le français.

Ce sommet n’est donc que le premier d’une longue liste, avec une régularité d’environ tous les deux ans. En 1997, un sommet à Hanoi marque particulièrement l’histoire de la francophonie, en révisant la charte de l’Agence. Cette révision donne le rôle « d’instance suprême » à la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, et consacre le Secrétaire général comme porte-parole de cette institution de la francophonie, ainsi qu’une instance consultative.

Un pouvoir décisionnel renforcé orienté vers les enjeux politiques (1997 – auj)

Avec un nouveau nom, Agence de la francophonie, c’est aussi un changement de nature qui s’amorce : l’institution se tourne de plus en plus vers un objectif politique, comme le souhaitent d’ailleurs les chefs d’Etat dans cette période post Guerre froide.

Ce virage politique – qui suscite d’ailleurs des critiques regrettant la dispersion hors des enjeux culturels – devient visible par la Déclaration de Bamako en l’an 2000, qui fait de la démocratie un critère « indissociable » de la Francophonie. Cela ne laisse donc pas de place aux coups d’état, et vise l’instauration d’un État de droit respectueux des Droits de l’Homme, en garantissant des élections fiables. À cet égard, le secrétaire général acquiert un rôle préventif, mais aussi réactif en cas de violations par un des pays membres. Ces objectifs politiques sont d’ailleurs réaffirmés six ans plus tard, par la déclaration de Saint-Boniface.

Appelée Agence intergouvernementale de la francophonie depuis 1998, l’institution centrale de la communauté francophone se doit alors d’être désignée par son nom actuel d’Organisation internationale de la francophonie, à la suite d’une charte adoptée par la conférence ministérielle réunie en novembre 2005.

La prise de fonction de Boutros Boutros-Ghali comme premier secrétaire générale de Francophonie de novembre 1997 à décembre 2002 présageait déjà des liens importants de valeurs avec l’Organisation des nations unies. En 2014, le Sommet de Dakar renforce la prise de position de la Francophonie en faveur des principes posés par la Charte des Nations Unies, et introduit une dimension de développement économique tourné surtout vers l’Afrique. La canadienne Michaëlle Jean prend à cette occasion le relais de Abdou Diouf en tant que Secrétaire général. En 2019, elle cède sa place à la rwandaise Louise Mushikiwabo, élue lors du sommet d’Erevan en 2018.

Les fondateurs de la Francophonie

La Francophonie, en tant que coopération institutionnalisée de pays ayant pour langue commune le français, a émergé grâce à des figures issues de tous les continents. Les quatre pères fondateurs de la francophonie reconnus par l’histoire sont :

  • Hamani Diori (1916-1989) au Niger : figure de l’indépendance en Afrique sub-saharienne, il promeut une vision internationale du français.
  • Habib Bourguiba (1903-2000) en Tunisie : premier président de Tunisie (pendant 30 ans), il rencontre Senghor et voit en la francophonie un moyen de moderniser son pays, plutôt qu’un retour au colonialisme.
  • Léopold Sédar Senghor (1906-2001) au Sénégal : sa conception de la francophonie, dont le rôle aura été prépondérant, est détaillée ci-dessous.
  • Norodom Sihanouk (1922-2012) au Cambodge : chef d’Etat cambodgien, il appelle continuellement pour renforcer l’institutionnalisation politique d’une communauté francophone.

Parmi ces quatre pères de la francophonie, nous avons choisi de vous détailler plus amplement la pensée de Léopold Sédar Senghor, homme politique du XXe siècle, d’abord en France, puis surtout au Sénégal dont il fut le premier président en 1960.

La pensée de Léopold Senghor

Intellectuel et poète, Senghor est également connu pour avoir donné une nouvelle définition à l’expression « négritude », expression désignant pour lui un « ensemble des valeurs culturelles du monde noir ».

Pour comprendre sa pensée quant à la francophonie, c’est à son article « le français, langue de culture » publié en 1962, deux ans après sa prise de fonction comme président du Sénégal, qu’il faut s’intéresser. Senghor y rapporte ses observations pour la revue Esprit sur le développement de l’utilisation du français dans le monde : selon lui, le français est une langue au vocabulaire riche, avec une syntaxe qui permet la concision, et qui a su conquérir les élites au-delà de leur langue maternelle. Son style harmonieux est une « symbiose de la subtilité grecque et de la rigueur latine« . Plus important encore pour l’aspect moral et politique de la francophonie, il retient « l’humanisme français » au caractère d’universalité véhiculé par cette lange, qui permet de contrer le poids de l’individualisme.

Ainsi Léopold Sédar Senghor conclut ce témoignage pour la revue Esprit avec l’idée que la langue éminemment poétique qu’est le français a percé chez les écrivains noirs parce qu’elle les rendait aussi libres que possiblement créatifs. Les derniers mots de l’article : « français, Soleil qui brille hors de l’hexagone » ne font donc qu’exprimer avec poésie un idéal d’universalité et de respect des cultures comme la Négritude, l’Arabisme, jusqu’en France.

De la sorte, il n’aura de cesse d’œuvrer pour une plus large collaboration mondiale au sein d’une communauté francophone, comme dans son projet présenté aux chefs d’Etats africains dans le cadre de l’Organisation commune africaine et malgache (OCAM) en juin 1966. Souhaitant transcender « les vieilles oppositions Nord-Sud », donc le décalage entre pays développés et en voie de développement, il appelle des ses vœux des initiatives communes dans les domaines « culturels ou économiques, scientifiques ou techniques, voire politiques« .

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