École et sociologie

« Je crois que c’est seulement en étudiant le passé que nous pourrons arriver à anticiper l’avenir et à comprendre le présent, et que, par suite, une histoire de l’enseignement est la meilleure des écoles pédagogiques » (Émile Durkheim, EPF, PUF, p. 16).

Émile Durkheim voyait l’école comme le lieu de la transmission de valeurs communes. La sociologie française après Durkheim considère plutôt l’école comme une institution clé dans la reproduction des inégalités sociales, tout en mettant en lumière son rôle dans la socialisation et la construction des identités des individus. L’école n’est pas seulement un acteur majeur dans la structuration de la société et dans la formation des individus. Cet article explique comment les caractéristiques socio-économiques des élèves influencent leurs parcours éducatifs et leurs chances de réussite et examine les interactions sociales et les normes culturelles à l’œuvre dans l’institution scolaire.

Dans Les Héritiers (1964) et La Reproduction (1970), Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron exposent comment l’école perpétue les inégalités sociales à travers ses méthodes et ses contenus d’enseignement qui favorisent implicitement une forme de culture spécifique aux classes dominantes. Ils critiquent la pratique du cours magistral, qui utilise un langage cultivé sans en expliquer les mécanismes, créant une « complicité cultivée » entre enseignants et élèves des milieux favorisés. Derrière un discours sur l’égalité des chances, l’école dissimule des processus de sélection sociale justifiant ces inégalités par la validation du diplôme. En somme, l’école agirait comme un mécanisme de reproduction sociale en favorisant les individus avec un capital culturel hérité.

Raymond Boudon considère que la position sociale et le niveau d’éducation sont étroitement liés. Il affirme que des parents éduqués au niveau professionnel encourageront leur enfant à étudier au plus haut niveau, tandis que ceux de la classe ouvrière accepteront un niveau inférieur. De plus, Boudon soutient qu’un garçon issu de la classe ouvrière qui deviendrait avocat affaiblirait ses liens familiaux, tandis qu’un garçon de classe moyenne renforcerait les siens. Ainsi, la position sociale influence la carrière éducative.

Dans une analyse complexe, Boudon évalue l’importance relative des effets primaires et secondaires de la stratification sur la réussite éducative. Il constate que bien que les différences de classe en matière de réussite éducative soient réduites lorsque les influences primaires sont éliminées, elles demeurent élevées. Ainsi, les effets secondaires de la stratification semblent plus importants.

L’école est cruciale dans la socialisation culturelle et la violence symbolique. Elle renforce les inégalités en évaluant les élèves selon leur capital culturel familial. Dans son ouvrage sur l’inégalité des chances (1971), Boudon montre les liens entre la distribution scolaire et sociale. Les familles n’ayant pas la même perception des coûts et avantages de chaque option d’orientation, cela conduit à la persistance des inégalités.

Concernant la ségrégation scolaire ethnique, celle-ci reflète les inégalités et discriminations ethniques de la société. Les travaux d’Olivier Cousin et Georges Felouzis, deux chercheurs en sciences de l’éducation, mettent en lumière l’importance de l’origine ethnique dans la formation des ghettos scolaires et la perpétuation des inégalités. Les disparités entre les collèges dessinent des univers scolaires très contrastés, voire opposés.Les établissements les plus ségrégués sont caractérisés par des problèmes sociaux et scolaires plus prononcés, reflétant souvent l’image des « collèges de banlieue ». Ces écoles ne sont pas nécessairement situées en périphérie ou dans des quartiers défavorisés, mais elles sont marquées par une concentration de difficultés sociales et scolaires, tant du côté des élèves que du personnel éducatif. Cette situation suggère que ces établissements ne sont pas les plus propices aux apprentissages, selon les études anglo-saxonnes sur le « school-mix ». Plus généralement, leur analyse souligne la nécessité d’aborder les questions d’éducation et de stratification sociale en tenant compte des facteurs ethniques pour promouvoir une société plus inclusive et égalitaire.

L’inégalité des résultats scolaires à cause de la famille – Raymond Boudon

Culture générale : l’École / Éducation

5 livres sur l’École et l’Éducation

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *