Utilisation de la soie d’araignée par l’homme

Un des plus grands enjeux de la science est de fournir des solutions pour améliorer la vie de l’homme. Le biomimétisme (imiter la nature) est une des principales pistes de notre siècle. En particulier, les transmutations génétiques, la génétique en général sont devenues un sujet de débat encore brûlant. Faut-il modifier la nature, et jusqu’à quel point, pour servir l’homme ? L’homme peut-il tout se permettre avec la génétique ? Un exemple des plus insolites mais probant est la synthèse artificielle de la soie.

I. La soie, un génie au service de l’Homme

A. Synthèse de la soie par l’Homme

Depuis l’Antiquité, l’Homme cherche à tirer profit des propriétés de la soie. Toutefois, le fil d’araignée étant fin et produit en faible quantité, la récupération de la soie est éprouvante et laborieuse, d’autant plus que les araignées ne se prêtent pas à un élevage intensif : les forcer à vivre à proximité l’une de l’autre les conduirait à se manger entre elles. Des solutions alternatives ont donc été mises en place.

1. Les premières transgénèses

Il faudra attendre 1990 pour que le biologiste Randy Lewis, de l’université de Wyoming, grâce au financement de l’armée américaine, identifie et clone les deux gènes à l’origine de la soie d’araignée. Il amorce ainsi les recherches en faveur d’une production massive de la fibroïne, protéine qui constitue les fils de soie d’araignée.
Les premières expériences de transgénèse, c’est-à-dire l’introduction du gène qui permet la production de la soie dans le patrimoine génétique d’un autre animal, furent effectuées sur des papillons. Les chercheurs introduisirent chez ces insectes les gènes à l’origine de la soie d’araignée grâce à un virus.
Fut également mis au point un système de bactéries hôtes, qui permettait une manipulation aisée des gènes. En modifiant les gènes permettant la fabrication de la soie et en les implantant dans les bactéries hôtes, les scientifiques réussirent à reconstituer la fibroïne. Ils obtinrent ainsi des fils aux caractéristiques spécifiques en réassemblant, grâce à un système de clonage les portions de gènes.
De même, des essais furent réalisées sur des hamsters, ou encore sur des cellules de pis de vache.
Mais ces expérimentations ne donnèrent aucun résultat concluant ; les quantités recueillies étaient trop faibles et la qualité décevante. En effet, la forte résistance qu’offre la soie d’araignée est due à une répétition intensive des gènes de la soie ; or, pour les sujets étudiés, la séquence en acides aminés présentait une coupure, provocant une baisse de la résistance des fibres.

2. Le véritable succès d’une transgénèse

Cependant, Nexia, société de biotechnologies établie à Montréal, obtint les brevets déposés par Lewis à la fin des années 1990. En partenariat avec l’U.S. Army Soldier Biological Chemical Command, elle introduisit le gène codant pour la protéine de la soie d’araignée chez deux boucs.
Jeffrey Turner, chef du projet, avait en effet remarqué de grandes similitudes entre la cellule de l’araignée permettant de synthétiser la soie, et la cellule de la chèvre produisant le lait. Ce projet, nommé BioSteel, permit en 2002 aux descendants des deux animaux, nés avec le gène approprié, de produire des protéines dans leurs glandes mammaires semblables à celles de la soie d’araignée. « Ce n’est plus exactement de la toile d’araignée, mais ça en a toutes les propriétés » expliqua Anthoula Lazaris dans la revue Science.
Les protéines récoltées dans le lait des chèvres sont ensuite mises en solution. En appliquant une pression sur les tubes contenant la solution, elles s’assemblent pour former une fibre, sur laquelle une traction est exercée afin de stabiliser la structure.
Un litre offre environ 15 grammes de protéine, tandis que le reste du lait reste consommable. Mais bien que Nexia possède désormais son propre troupeau dispersé dans trois fermes, deux au Québec, et une aux Etats-Unis, à Plattsbourg, où les chèvres transgéniques ont été introduites auprès de mille autres animaux normaux, le rendement demeure trop faible pour envisager une production industrielle immédiate.

3. Une commercialisation internationale grâce au ver à soie

Toutefois, des chercheurs américains ont plus récemment permis une avancée considérable. Ainsi, en septembre 2010, l’université de Notre-Dame associée à l’université de Wyoming et aux laboratoires Kraig Biocraft, a réussi à ajouter deux gènes de l’araignée aux génomes de vers à soie, afin que ces derniers produisent la soie d’arachnide.

Malcolm Fraser, un des principaux acteurs de ce projet, en collaboration avec Randy Lewis notamment, est optimiste : « Nous pourrions même améliorer génétiquement les fibres, qui surpasseraient les remarquables propriétés de la soie d’araignée. »
Les sécrétions de vers à soie étant déjà exploitées dans le commerce, cette avancée constitue la première solution viable et avantageuse pour une production industrielle massive, et par conséquent une véritable révolution dans le domaine.

B. Exploitation de la soie

Les qualités de la soie sont diverses, et par conséquent exploitables dans de nombreux domaines.

1. La soie dans le secteur industriel

Tout d’abord, dans le secteur industriel, la soie servirait à l’élaboration de pneus, mais aussi aux châssis de Formule 1, qui se déforment lors de freinages brusques, ou à cause des chocs provoqués par le terrain. La soie jouerait le rôle d’amortisseur afin d’éviter que cette torsion ne s’avère finalement dangereuse.
En outre, la soie d’araignée augmenterait considérablement les performances des raquettes de tennis en améliorant les tamis, c’est-à-dire la partie cordée des raquettes, qui seraient alors constitués de soie.
Grâce à sa souplesse et à sa résistance, la soie se substituerait avantageusement au nylon et au kevlar dans la production de câbles, de filins, ou encore de fils de pêche. Les chercheurs évoquent même l’utilisation de la soie dans le domaine aérospatial. M. Turner, président de Nexia, estime le marché à 500 millions de dollars par année, soit environ 370 millions d’euros.
Enfin, l’industrie du textile en tirerait profit. Par exemple, l’université de Gunma, située au centre du Japon, a réussi à couvrir les fils de soie d’un film métallique, grâce à un système de métallisation par plasma. Cette innovation protègerait plus efficacement encore les sapeurs-pompiers contre les flammes.

2. La soie dans le secteur militaire

Par ailleurs l’armée, qui a financé une grande partie des recherches sur la soie, y porte un grand intérêt. Les casques et les parachutes profiteraient d’une telle fibre, qui améliorerait sensiblement leurs performances.
Nexia, la société de biotechnologies précédemment citée, travaille en partenariat avec le Pentagone de Washington et le ministère de la défense canadien. Bien que les détails de l’entente restent protégés, le docteur Turner évoque en particulier la réalisation de gilets parre-balles grâce à la soie d’araignée. Les chèvres génétiquement modifiées de l’entreprise Nexia offriraient une soie susceptible d’arrêter une balle de calibre 22, résultat qui devrait être amélioré dans les prochains mois : « Nous sommes à 70% de notre objectif » explique Jeffrey Turner. L’avantage majeur de la soie est sa souplesse et sa légèreté, profitable aux militaires handicapés par le poids des actuels gilets pare-balles.

3. La soie dans le secteur médical

Finalement, la soie possède d’importantes vertus médicinales. Les Grecs furent les premiers à les exploiter. La fibre, qui a l’avantage d’être biodégradable, servait en effet de fil de suture pour résorber les plaies.
De nos jours, la médecine ne nécessite pas d’importantes quantités de soie, c’est pourquoi l’utilisation de la soie s’y développe plus qu’ailleurs – Nexia y consacre 20% de sa recherche. L’université de Gana a révélé que les propriétés de la soie sont propices à la régénération des organes et à la reconstitution des tissus biologiques, si ces derniers ont un modèle de structure à suivre ; sans ce modèle, les tissus se développeraient de manière incontrôlée.
Cette soie permettrait ainsi la fabrications de filets chirurgicaux, mais aussi la réalisation de greffes artérielles. Elle ferait enfin office de ligaments artificiels voire de tendons.
En outre, une expérimentation en cours tend à prouver la compatibilité entre les fibroïnes et des cellules humaines : les cellules de Schwann, cellules essentielles à la réparation de certaines fibres nerveuses. À terme, la soie aiderait la guérison de dommages nerveux.
Produit génial inconnu du grand public, la soie de l’araignée n’en reste pas moins un élément qui pourrait s’avérer profitable dans de nombreux domaines. Cependant, la synthèse de cette fibre constitue un véritable défi qui nécessitera à long terme un important investissement financier et humain.

II. La fabrication de la soie

A. La production de la soie

La soie de l’araignée est issue d’un processus complexe, qui se réalise en trois étapes : la fabrication des protéines sous forme liquide, la solidification de ce liquide, et l’entrelacement des fibrilles qui en résultent.

1. Dans l’abdomen de l’araignée, la fabrication des protéines

La fabrication des protéines servant de base à la soie finale produite par l’araignée a lieu dans l’abdomen. Des glandes appelées séricigènes produisent des protéines, ou chaînes d’acides aminés. Les glandes séricigènes s’apparentent à des poches qui fabriquent et stockent la soie. Chaque glande est divisée en deux zones : une qui fabrique des protéines servant aux corps de la soie, et une qui fabrique celles servant à son enveloppe. Il existe neuf glandes séricigènes, qui permettent chacune de former un type de soie particulier (pour se soutenir, pour emmailloter les proies, pour construire le cocon). L’araignée décide quel type de soie elle veut fabriquer en fonction de ses besoins.

À ce stade, la soie est liquide. Parmi les protéines qui la constituent, il en existe deux en grande quantité : la fibroïne, protéine filamenteuse (environ 63,5% de la soie) et la séricine, qui fait office de glue (environ 22,5%). La soie est également constituée de maières grasses et d’eau. La fibroïne est en réalité une grande protéine formée de protéines plus petites : les protides. Parmi celles-ci, la kératine qui donne à la soie sa résistance et son élasticité.

2. La solidification de la soie

Une fois la soie liquide produite par les glandes, elle passe par les filières, situées à l’extrémité de l’abdomen, dans le prolongement des glandes. L’araignée possède trois ou quatre filières en général. Ce sont des excroissances mobiles et articulées, constituées de fusules. Elles permettent la régulation du débit des glandes et la solidification de la soie.
Lorsque la soie passe dans une filière, elle se solidifie sous l’action d’ions (hydrogène, sodium et potassium) injectés dans la soie. Ces ions permettent de faciliter la séparation entre l’eau contenue dans la soie et les protéines (voir schéma ci-contre). Les ions potassium, hydrogène et sodium sont hydrophiles et attirent les molécules d’eau. Cela facilite ensuite la séparation entre les protéines liquides et l’eau et conduit à a solidification de la soie.

3. La fabrication du fil de soie

Suite à la solidification des protéines par les filières, le fil est dirigé vers l’extrémité de celles-ci. À cet endroit se trouvent des petits tubes composant les filières : les fusules. Ces fusules se situent à l’extrémité de l’abdomen de l’araignée. Elles permettent la solidification complète de la soie et l’entrelacement des fibrilles. Lorsque le fil de soie passe dans une fusule, l’eau est alors extraite en totalité, par un système de pompage, qui permet à la soie de se solidifier définitivement.
Les fils sortant des fusules sont en fait des fibrilles, dont le diamètre n’excède pas 0,05µm de diamètre, contre 15µm à 70µm de diamètre pour un fil de soie normal. Afin de rendre le fil encore plus résistant, les fibrilles sont entrelacées à la sortie des fusules. La vitesse de sécrétion des fibrilles de soie varie suivant la nature de la soie, mais généralement elle est de l’ordre du millimètre par seconde.

B. Les propriétés de la soie de l’araignée

La soie de l’araignée est connue pour ses propriétés étonnantes en terme d’élasticité, de résistance et de légèreté. En effet, à un diamètre égal, elle est aussi résistante que le Kevlar, matériau utilisé dans la fabrication de gilets pare-balles. Elle peut également s’étirer de 5% à 35% de sa longueur initiale, ce qui est montre son élasticité. De plus, l’énergie nécessaire à sa rupture est de 120 000 J/kg, contre 30 000 J/kg pour le kevlar et seulement 2000 J/kg pour l’acier. Ces propriétés s’expliquent par la structure de la fibroïne, constituant principal de la soie.
La fibroïne est une protéine filamenteuse composée de motifs agencés sous forme de blocs. On parle de copolymère à blocs. Parmi ces blocs, certains sont hydrophobes (qui repoussent l’eau), composés de motifs de structures primaires répétés plusieurs fois. Les blocs hydrophiles (qui attirent l’eau) se composent d’acides aminés plus divers et plus complexes. Les blocs hydrophobes sont riches en acides aminés glycine et alanine (motifs alanine*n ou Glycine-alanine*n). Les blocs hydrophiles sont quant à eux riches en glycine (motifs Glycine-Glycine-X*n ou Glycine-Proline-Glycine-X-X*n).
La fibroïne est une protéine formée de plus petites protéines ou protides, dont la kératine. La kératine sert d’élément de structure chez de nombreux êtres vivants. Elle est notamment présente dans les cheveux, la peau ou les poils. Une protéine est une chaîne d’acides aminés. Ces acides aminés se relient entre eux par des liaisons hydrogènes. Dans la structure primaire (la séquence en acides aminés) de la fibroïne, la glycine et l’alanine forment deux régions : une riche en alanine et une riche en glycine. Lors du passage à la structure secondaire (le repliement de la séquence en acides aminés de la protéine), les deux régions acquièrent des structures différentes.

La zone riche en alanine se replie en feuillets plissés, ou feuillets bêta. En se repliant, la protéine est densifiée. Les feuillets bêta alors polymérisés par des liaisons hydrogènes se transforment en cristallites bêta. Les cristallites bêta confèrent à la soie ses propriétés solides et résistantes.
La zone riche en glycine se replie en formant des spirales, semblables à des hélices, qui donnent à la soie son élasticité. Elles s’assimilent à des ressorts. Aucune cristallite bêta ne se forme, la structure est non-cristalline.
La soie de l’araignée combine donc des propriétés résistantes, solides, élastiques et légères, grâce à la structure tridimensionnelle de ses protéines.
Ainsi, il est important de se demander à quelles fins l’araignée met à profit la soie qu’elle produit, et de comprendre de ce fait en quoi elle lui est utile.

III. Les usages de la soie par l’araignée

A. La soie, moyen de locomotion essentiel chez l’araignée

Le fil de soie constitue, pour l’araignée, un véritable objet à tout faire. Tout d’abord, il lui assure la possibilité de se déplacer dans le milieu aérien, aussi bien verticalement que latéralement. Par exemple, elle s’en sert sous la forme d’un fil de sécurité, également appelé « fil de traîne » : l’arachnide fixe ce fil de sécurité aux différents endroits où elle passe. De ce fait, lors d’une chute inopinée ou d’un choc brutal, la soie, qui s’extrait progressivement, tirée par le poids de l’araignée, constitue un lien entre le support initial et cette dernière. Elle n’aura alors qu’à s’y agripper grâce à l’une de ses pattes postérieures, et à attendre d’être portée par le vent.
Ce fil, contrairement à ce que son nom pourrait suggérer, n’est pas toujours utilisé pour une question de sécurité : l’araignée s’en sert parfois comme d’un simple moyen pour traverser un cours d’eau ou un obstacle.
La soie sert également de base à un fil appelé « fil de la vierge », afin de disperser les jeunes araignées. Ces dernières se placent sur un support localisé le plus en hauteur possible, lors des journées de printemps ou d’été. Après s’être laissés tirer vers le bas, ces jeunes arachnides mettent à la fois leur légèreté et celle de leur fil (qui fait office de parachute) à profit ; portés par la force ascensionnelle de l’air chaud, ils voyagent sur des distances qui peuvent atteindre 400 kilomètres.

B. La soie, élément de défense et de délimitation du territoire chez l’araignée

Lorsqu’une araignée chasse, elle a la possibilité, après avoir injecté son venin dans sa proie, de l’emmailloter dans une soie spéciale s’apparentant à de la gaze, telle une momie. Ces proies ne sont pas nécessairement de simples insectes : la Nephila clavipes peut occasionnellement attraper un petit oiseau. Dans la plupart des cas, elle l’emmène directement dans sa retraite, afin de la conserver en vue d’une consommation ultérieure.
L’arachnide utilise également son précieux fil pour confectionner le cocon protégeant les œufs. Ainsi, elle pond ses œufs directement dans le cocon, et introduit des bulles d’air entre les fils pour protéger les futurs petits du froid. Elle cache alors sa progéniture et meurt avant la naissance de sa descendance ; en effet, une araignée ne vit en moyenne qu’un an.

Elle peut également mettre à profit son génie pour construire un abri : certaines araignées sont capables de creuser un terrier, dont elles tapissent les parois de soie et dont elles ferment l’entrée par un opercule. Elles sont alors certaines de ne pas être incommodées dans leur quotidien.

C. La soie, élément de base de la toile d’araignée

Tout d’abord, il faut savoir que toutes les araignées ne tissent pas de toile. La proportion d’araignées dites « tisseuses » est de l’ordre de 30 %. Cependant, s’il n’est pas vital, ce génie constitue un avantage considérable lorsqu’il est mis à contribution. Seront étudiées ici les araignées à toiles dites géométriques, sachant que la plupart des araignées tissent des toiles informes, ou en forme de cornet. Ainsi, pour ce type d’arachnides, la fabrication de cette toile est quotidienne, et représente un labeur considérable : elle nécessite un effort de près d’une heure et demie, et jusqu’à trente mètres de soie. Elle est généralement confectionnée par la femelle, le mâle cessant de tisser à l’âge adulte.
La toile géométrique, ou orbiculaire, est considérée comme un véritable bijou, à la fois technique dans sa réalisation, mais aussi résistante bien que souple, et presque invisible. À noter que cette dernière propriété est relative, sachant qu’une vieille toile se couvrira de poussière, et deviendra donc bien mieux repérable pour les proies potentielles. Par ailleurs, l’arachnide doit s’adapter à la quantité de soie et à l’espace dont elle dispose, mais également aux points d’attache disponible.

1. La construction du cadre et des rayons

L’élaboration de la toile démarre avec la construction d’un fil de soie entre deux points fixes. La nécessité d’établir une liaison entre un point A et B est surmontée de façon très simple : l’araignée, grande travailleuse, se contente ici d’attendre que le fil, préalablement secrété par ses filières, soit porté par le vent. La légèreté du fil s’avère alors essentielle. Aussi, il peut atteindre jusqu’à cinq mètres de long, et permet de franchir des obstacles tels que des chemins ou des rivières.
Lorsque le fil atteint le point B sur lequel l’araignée a jeté son dévolu, il s’accroche à la moindre branchette, ou au moindre brin d’herbe disponibles. Un pont est alors créé, puis rapidement consolidé par une seconde couche de soie. L’araignée commence la réalisation rapide du cadre, en collant ses fils aux supports qui se présentent à elle.

Il devient alors nécessaire de fabriquer les rayons de la toile, qui seront attachés au centre, par souci de résistance, grâce à un premier cercle de brins de soie. Le nombre de rayons varie selon les espèces, mais il ne dépasse généralement pas cinquante. L’araignée se trouve, à ce stade, dans la première phase de son œuvre. Pour cette partie, elle met à profit l’une des nombreuses possibilités que lui offre sa soie, et utilise une soie solide, épaisse et peu collante.

2. L’élaboration d’une spirale collante et solide

L’étape suivante constitue une phase capitale dans l’élaboration de la toile. Il s’agit de tisser le moyeu, une zone où des fils extrêmement resserrés sont disposés, sous forme de spirale, à partir du premier cercle de soie préalablement édifié au centre de la future toile. L’araignée utilise alors un fil peu collant, car c’est dans cette zone que l’araignée stationnera pour attendre ses proies, une fois la toile terminée.
Reste alors à construire l’armature de la toile, c’est-à-dire l’essentiel de l’œuvre. L’araignée utilise alors ses pattes comme un compas, et élabore une spirale logarithmique en partant du moyeu, comme indiqué ci-dessous.
Une fois arrivée aux extrémités du cadre, l’araignée a produit une toile très lâche, mais déjà solide, sur laquelle elle peut se déplacer sans problème.
Cette toile ne constitue cependant qu’un échafaudage de l’ouvrage final. En effet, les rayons de la spirale sont trop écartés, trop visibles, et trop peu collants pour prétendre faire office de véritable piège.
En partant de l’extérieur du cadre, l’arachnide va détruire progressivement sa première spirale pour la remplacer par une autre, beaucoup plus serrée et constituée d’un double fil, moins épais et solide que le précédent, mais beaucoup plus collant.
La construction de la toile s’achève alors. À noter qu’il reste un espace vide entre le moyeu et le reste de la toile ; cet espace permet tout simplement à l’araignée de passer d’une face à l’autre de sa toile.

3. Les usages de la toile

Il convient maintenant de présenter les usages de la toile, le principal étant la chasse. Son élasticité lui permet de s’étirer et d’atteindre une surface jusqu’à 40 % supérieure à sa surface au repos. En outre, la séricine utilisée pour la fabrication de la toile fait office de glue. Dans ces conditions, l’araignée se trouve en mesure d’attraper de nombreuses proies environnantes, sans le moindre souci de voir son œuvre endommagée par la vitesse de ces dernières.
L’araignée se positionne au niveau du moyeu de sa toile et, dès qu’un insecte se retrouve piégé, elle est alertée au moyen de vibrations et se jette sur ce qui constituera son futur repas. Il est important de préciser que l’araignée enduit ses pattes d’une huile particulière, qui l’empêche de se prendre dans son propre piège. Toutefois, la tâche n’est pas aussi aisée qu’elle n’en a l’air, et il s’agit d’être rapide et efficace en temps voulu : il est estimé qu’environ huit prédateurs sur dix sont capables de se défaire de la toile. Malgré tout, cette dernière fait de l’araignée, à son échelle, l’un des prédateurs les mieux armés de la nature. La toile peut également faire office de logis, ou tout simplement servir de passage entre ses différentes extrémités.
L’araignée est une grande recycleuse : elle mangera une partie de sa toile afin de récupérer, sous forme de protéines, le maximum de l’énergie investie dans sa production.

La soie de l’araignée s’avère donc essentielle pour de nombreuses tâches effectuées quotidiennement par l’araignée. Elle constitue un véritable trésor, dont l’Homme espère tirer profit.

Conclusion

La soie de l’araignée est un matériau unique en terme d’élasticité, de solidité et de légèreté. L’arachnide, au fil des générations, a su mettre à profit cette fibre au travers de multiples usages, au point d’en faire un élément indispensable à sa survie.
Il n’est donc pas vraisemblable de considérer que la soie est aussi utile à l’Homme qu’elle ne l’est à l’araignée.
Néanmoins, les recherches entreprises par des sociétés telles que Nexia depuis plusieurs années tendent à mettre en avant de façon considérable la soie. Ces recherches pourraient répondre à de nombreuses attentes dans les domaines médical, industriel et militaire. Reste à savoir si l’homme est vraiment en mesure de trouver des solutions à long terme pour reproduire de façon strictement identique cette soie si particulière.

Lexique

Bactérie : micro-organismes vivants procaryotes, c’est-à-dire unicellulaires et sans noyau.

Cadre : ensemble des brins constituant les contours de la toile.

Fibroïne : substance protéique transparente de consistance gélatineuse, constituant partiellement la soie.

Fibre : formation élémentaire, généralement sous forme de faisceaux. Elle est végétale ou animale et d’aspect filamenteux.

Fil de sécurité: fil de soie utilisé par l’araignée pour assurer sa sécurité en cas de chute, et occasionnellement pour franchir un obstacle.

Fil de la vierge : fil de soie utilisé par les jeunes araignées sous la forme d’un parachute pour assurer de longs déplacements.
Fusule: Orifice en forme de cône situé à l’extrémité des filières par lequel débouche les fibrilles de soie.

Glandes séricigènes : Dans l’abdomen de l’araignée, glandes de sécrétion de la soie.

Kevlar : résine utilisée sous forme de fibre dans certains matériaux composites (gilets pare-balle).

Protéine: Macromolécule biologique composée d’une ou de plusieurs chaînes d’acides aminés, liées entre elles par des liaisons peptidiques.

Sécrétion : élaboration de substances par un organisme.

Toile géométrique ou orbiculaire : toile composée d’un cadre, de rayons et d’une spirale logarithmique constituée de soie extrêmement collante.

Transgénèse : introduction d’un gène étranger, nommé transgène, dans le patrimoine génétique d’un organisme.

2 réflexions sur « Utilisation de la soie d’araignée par l’homme »

  1. Bonjour, merci pour cet article. Vous écrivez que «  bien que Nexia possède désormais son propre troupeau dispersé dans trois fermes, deux au Québec, et une aux Etats-Unis, à Plattsbourg, où les chèvres transgéniques ont été introduites auprès de mille autres animaux normaux, le rendement demeure trop faible pour envisager une production industrielle immédiate. » Pouvez-vous me fournir une source pour cette information. Merci d’avance

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